Son premier succès ? Un dessin de clown. Cécile Degos l’a encore chez elle. « J’étais en CP. L’institutrice avait repéré ce travail et incité mes parents à m’inscrire à des cours de dessin. » Ils vont suivre les conseils de l’enseignante et leur fille va poursuivre le dessin en parallèle à ses classes de collège et de lycée. « J’ai toujours voulu faire une école d’art », confie Cécile Degos le temps d’une pause-café près des Champs Elysées. Un message pas si simple à faire passer dans une famille de médecins. Surtout quand on est bon en maths. Mais la lycéenne parisienne résiste à la pression. Durant sa terminale B à Janson de Sailly, elle prend des cours en auditeur libre aux Arts déco. Résultat : elle intègre l’école de la rue d’Ulm, une fois son bac en poche. « Sans prépa. » Pas fréquent. Puis, au fil de son cursus, elle s’éloigne de « l’image », pour lui préférer « l’espace ». Elle ignore encore la définition du mot scénographie. Mais un stage aux côtés de Richard Peduzzi lui donne les clés, les codes, le lexique de la profession, pour le théâtre et l’opéra. Si bien que la stagiaire va devenir collaboratrice, puis cosigner des réalisations avec le scénographe et designer qui a dirigé les Arts déco et la Villa Médicis à Rome.

Expo Sarah Moon au Musée d'art moderne de Paris - 2020 - © Pierre Antoine

« Mon bureau tient dans mon sac »

Au milieu des années 2000, Cécile Degos a envie d’autre chose. Quitter la scène, mais pas la scéno. Son expérience avec l’expo Chardin au Grand Palais, durant l’été 1999, lui a laissé de bons souvenirs. « Paris était vide. J’étais quais seule dans le musée pour réaliser la scénographie, avec l’historien et académicien Pierre Rosenberg comme interlocuteur. Un bonheur… » Sa première participation à un appel d’offre sera pour l’expo consacrée à l’art russe au musée d’Orsay, programmée en 2006. Son dossier est retenu. C’est le début d’une nouvelle aventure. En solo. Avec quelques « free-lance ». Elle baptise sa société Vitamine, « mon clin d’œil à la médecine ». Et ça fait plus de quinze ans que ça dure. Son mode opératoire : « Je travaille à la maison et mon bureau tient dans mon sac. » Elle en sort un ordinateur et un téléphone. Ses chantiers ? « Je fonctionne à l’affect. » Autrement dit : « Je ne fais que ce que j’aime. » Avec un goût pour l’éclectisme, lié à une curiosité innée. Elle travaille aussi bien pour la Bourse de commerce et la fondation Pinault que pour la Légion étrangère à Aubagne, dont elle a conçu le musée. « Depuis, je suis lieutenant de réserve », dit-elle en montrant fièrement sa carte de militaire. Quant au rendez-vous près des Champs Elysées, il est dû à la proximité de la maison de vente Christie’s. La scénographie de la collection d’art d’Hubert de Givenchy, mise aux enchères du 14 au 17 juin, c’est elle. Les 1 229 lots sont à voir jusqu’au 14 juin dans les salons de Christie’s, que Cécile Degos a transformés en appartements inspirés de ceux du couturier. Quant à la salle de vente elle-même, elle est calquée sur le parc du manoir du Jonchet, propriété de Givenchy. « Les maths me servent tous les jours », souligne au passage celle qui a puisé dans ses souvenirs de géométrie dans l’espace, pour dessiner ce jardin éphémère.

Exposition Hubert de Givenchy Collectionneur / Christie's, Paris

Exposition Hubert de Givenchy Collectionneur / Christie's, Paris

Un métier invisible

La diversité de ses projets, « c’est ce qui me permet de rester normale », reconnaît-elle. Une façon de garder les pieds sur terre. Relativiser. Préserver une certaine légèreté. À l’instar de sa « copine de promo », Marianne Guedin, scénographe végétale et designer. Dès qu’elles peuvent œuvrer de concert, elles le font. Pour le « fun », la beauté du geste et la réunion de deux talents guidés par une joyeuse fantaisie. Une autre idée de la fidélité... La prochaine réalisation de Cécile Degos, à ne pas manquer : ce sera le nouveau parcours de visite du palais de Monaco, agrémenté d’un accrochage selon la généalogie des princes. Un projet démarré en 2015, stoppé par le Covid et qui s’ouvre enfin au public ce 1er juillet. La scénographe a également imaginé une appli et repensé la sécurité avec les carabiniers monégasques : « Entre militaires, on s’est bien compris ! » Lorsqu’on lui demande ce qu’elle fait dans la vie, Cécile Degos s’adapte, ajuste sa réponse : elle répond « scénographe » aux uns, « architecte d’intérieur » à d’autres. « Scénographe est une profession qui n’est pas reconnue. Nous n’avons pas d’ordre, comme les architectes par exemple… » Un métier inclassable, voire invisible, car rarement cité dans un « générique ». Ironie du sort : pour Cécile Degos, « une bonne scéno, c’est celle qu’on ne voit pas ».

Cécile Degos est aussi ICI.

Expo "Degas Danse Dessin", musée d'Orsay - Paris, 2017 - © Cécile Degos

Bourse de commerce, Paris.