Quand Alexandre Humbert donne rendez-vous, c’est dans son quartier, le XVe arrondissement de Paris. Mais pas n’importe où. Dans un café à deux pas du 60 avenue de la Motte-Picquet : « C’est ici que la scène d’ouverture du film Code Inconnu, de Michael Haneke, a été tournée. Juliette Binoche sort de cet immeuble… » Un repère pour ce cinéphile, qui a suivi bon nombre de cycles de conférences à la cinémathèque. Par goût, mais aussi pour son métier : « Je suis designer et réalisateur. » Autrement dit : il filme des objets et perçoit chacun de ses films comme un objet. Utile ? Futile ? Ses travaux n’ont rien de gratuit. Entre recherche et réflexion sur la pertinence de la quantité d’objets qui nous entourent, Alexandre Humbert s’interroge sur l’évolution de nos comportements et celle du métier de designer. Un véritable fil conducteur pour ce créateur, qui donne naissance à des œuvres vivantes, des vues pleines d’esprit, qui trouvent leur place dans des musées et aident à appréhender le design autrement dans les écoles.

Un projet de fin de cursus sur « la maladresse »

À 15 ans, ce natif de Montpellier qui a grandi en région parisienne était plutôt branché tennis. Un sport qu’Alexandre Humbert pratiquait en compétitions. « Je ne savais pas quoi faire après le bac. » C’est un stage dans un cabinet d’architecture qui lui ouvre de nouvelles perspectives. Il s’initie alors au design, affectionne les visites de musées et se complaît dans cette « liberté de découvrir ». À l’issue d’une année de prépa aux concours d’écoles d’art, il intègre l’ESAD de Reims. Là, à l’encontre des recommandations de ses profs, il se spécialise en design, puis design d’objet et obtient les félicitations du jury avec un projet de fin de cursus sur « la maladresse ». Alexandre Humbert enchaîne avec un master à la Design academy d’Eindhoven, où il commence à développer « un travail d’auteur ». Ses recherches s’orientent vers le film, l’écriture de scénarios. Il regarde des tas de DVD, pour en analyser les images, la lumière, le son… Résultat : à 22 ans, son premier 28 minutes, White sheep black dream est produit par le Musée d’art moderne (Mudam) du Luxembourg.

Les objets du quotidien d'Alexandre Humbert - © Alexandre Humbert

Il fait réfléchir sur « la façon dont l’objet est pensé »

Ses premiers jobs à Paris ? Des clips et des postes de directeur artistique en agences de pub. Mais les cadres deviennent vite trop étroits pour les électrons libres. Alexandre Humbert a envie de marge de manœuvre, d’espace, de liberté d’action. En 2016, il crée son propre studio à Amsterdam pour « filmer des objets, faire du design dans le film et questionner sur la place de l’image dans le champ d’action du designer ». Plutôt bien vu à l’heure des réseaux sociaux. Il imagine alors Object interview, une série de 19 épisodes d’une minute chacun, où une conversation s’établit entre des objets et leurs designers. Musées, galeries, éditeurs, écoles, tous sont séduits par cette approche, hors des sentiers battus, sur la façon dont nous percevons les objets. Alexandre Humbert avance en solitaire sur ce terrain. Car peu prennent autant de recul sur le design. Quand il transmet à l’ENSCI, Camondo ou à la Design academy d’Eindhoven, il apprend aux étudiants à réfléchir sur « la façon dont l’objet est pensé et peut être adapté à d’autres choses ». À travers des installations, films et fictions, il se fait guide dans l’exploration de la relation entre les objets et leurs utilisateurs. Sa dernière performance ? C’était en 2020, à l’occasion d’une résidence d’un an au Musée des Arts Décoratifs (MAD). Pendant le premier confinement, il a eu carte blanche pour écrire et réaliser un film de 9’26, sur l’impatience des œuvres du musée parisien à retrouver un public. Son travail, intitulé Les impatients, « fait raisonner confinement et objets qu’on ne peut ni regarder, ni exposer », explique-t-il. Une création désormais intégrée à la collection du MAD. Aux sceptiques et autres dubitatifs, Alexandre Humbert répond : « En 2013, sur 130 projets de fin d’études présentés à la Design academy d’Eindhoven, une dizaine seulement intégraient des écrans. Aujourd’hui, sur 130 projets, ils sont une centaine dans ce cas ». Preuve que l’avant-gardiste ne s’est pas trompé de route, avec une centaine de films déjà à son actif. Il n'a que 32 ans.

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Pour rencontrer Alexandre Humbert, rendez-vous lundi 27 septembre 2021 à 18h, au Bazaar St So, à Lille, capitale mondiale du design en 2020. Il présentera son film Il est possible que ça fonctionne, où objets et espaces font apparaître l’importance de la recherche dans le processus de création, pour faire émerger des émotions au-delà des fonctions. Puis, il participera à un débat sur « La caméra et l’objet », organisée dans le cadre de France Design Week.

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Pour en savoir plus encore sur Alexandre Humbert, c’est ICI. : 

Et ses films sont .