Théière aubergine, 1981, grès et laiton, Manufacture nationale de Sèvres, Adrian Saxe / © RMN-Grand Palais (Sèvres- Manufacture et musée nationaux) / Stéphane Maréchalle

La météo a fait des siennes pour la réouverture des terrasses. Entre giboulées – de mai – et coups de vent, on a vu des feuilles de salade voler, des serviettes en papier s’envoler, des dos trempés faute de parasols suffisamment grands pour abriter tout le monde…  Quant au premier café du matin, avec une dizaine de degrés seulement au thermomètre à Paris, le breuvage ne restait pas longtemps à température… Malgré tout ça, les terrasses ont fait le plein dès le 19 mai. On ne compte plus ceux qui se sont immortalisés sur Instagram en train de trinquer, avec manteaux et cols relevés, pour célébrer une amorce de liberté retrouvée. Parce qu’on est dans un pays où boire et manger, c’est sacré ! Si bien qu’il y a dix ans, l’Unesco a classé « le repas gastronomique des Français » au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Un repas qui prend en compte les arts de la table, la façon de recevoir, réunir, partager, faire honneur à la bonne chère. Si on en a perdu un brin le sens sur certaines terrasses improvisées du moment – pas très fan des chaises et tables posées à même le bitume, au ras des bus qui passent… -, ce n’est pas le cas au Musée national de céramique, à Sèvres. Jusqu’au 24 octobre 2021, la manufacture - qui fête ses 280 ans - présente l’expo « À Table ! Le repas, tout un art ». Celle-ci devait débuter en novembre 2020, mais covid oblige, elle n’a accueilli son premier visiteur que le 19 mai dernier.

Reconstitution d'un dressoir en faïence de Nevers évoquant ceux qui pouvaient être installés dans les jardins du château de Versailles, à l'occasion des collations / © Pascal Rostain / Sèvres-Manufacture et Musée nationaux

Un millier d’œuvres mises en scène

Au menu : que du beau ! Avec de l’utile, du futile, des ustensiles et surtout un fabuleux voyage dans le temps, consacré à nos façons de passer à table et dresser celle-ci. Le Musée national de céramique met les petits plats dans les grands avec un millier d’œuvres scénographiées par Jean-Paul Camargo. Ces pièces sont issues des collections du musée de Sèvres, mais aussi de celles du Musée national Adrien Dubouché de Limoges et de grandes maisons françaises comme Christofle ou Saint-Louis. On se balade entre salière, saupoudreuse à sucre, calice, vasque-rafraîchissoir, terrine en forme de dindon, théière aubergine ou autre service « aux camées » de Catherine II de Russie. Et puis on en apprend de bien bonnes ! Exemple : au Moyen Âge, les repas des élites débutent avec des fruits, pâtés, boudins ou saucisses. Autre anecdote : au XVIIe, à la cour de Versailles, verres et bouteilles n’ont pas leur place sur la table. Pour boire, chaque convive sollicite un serviteur…

Partie basse : attrapes (trompe l’œil en céramique) autour d'un surtout de table. Partie haute : ensemble de terrines de style rocaille / © Pascal Rostain / Sèvres-Manufacture et Musée nationaux

Tous « ouf » de bouffe !

« Il n’y a que les Français qui ne savent pas manger, puisqu’il faut un art particulier pour leur rendre les mets mangeables. » C’est Rousseau qui l’a dit. Mais personne n’en a tenu compte. Au XVIIIe, de Louis XV aux ménagères lectrices de La Cuisinière bourgeoise, ils sont tous « ouf » de bouffe ! Les cuisiniers français sont des « pop stars » dans les cours européennes et les plats servis à Versailles se retrouvent illico en vente chez les traiteurs parisiens. Un avant-goût de l’actuel succès des cours et concours de cuisine, sans oublier la célébrité des chefs « vus à la télé ». L’expo du Musée national de céramique évoque, enfin, l’art de recevoir propre aux palaces. La rencontre entre César Ritz, entrepreneur suisse, et Auguste Escoffier, cuisinier français, va ainsi déboucher sur l’ouverture du Ritz à Paris en 1898 et la compilation de recettes d’avant-garde dans Le Guide Culinaire. Cent-vingt-trois ans plus tard, Ritz et Escoffier font toujours parler d’eux sur la place Vendôme. A partir du 7 juin prochain, ils auront même des emballages à leur effigie. Et pour cause : le palace parisien ouvre son Comptoir, une boutique gourmande emmenée par François Perret, élu meilleur chef pâtissier de restaurant du monde en 2019. À la carte : que du bon ! Millefeuille, baba au rhum, éclair ou autre madeleine, sous une forme imaginée pour être facile à porter, transporter, manger debout, dans la rue, sans se salir. Même le sandwich et le pain au chocolat s’allongent et s’affinent, pour qu’on ne s’en mette plus plein les doigts. Mais que les puristes se rassurent : le Comptoir du Ritz permettra aussi de rapporter des gâteaux à déguster chez soi, assis, devant une table nappée, dressée, décorée. Le palace proposera même la bouteille adéquate pour réussir l’accord dessert-vin. Divin.

Ritz Paris Le Comptoir @Bernhard Winkelmann

« À Table ! Le repas, tout un art » : du 19 mai au 24 octobre 2021 - Musée national de céramique : 2 place de la Manufacture, à Sèvres (métro : Pont de Sèvres).

Ritz Paris Le Comptoir : 38 rue Cambon, Paris 1er.  Du lundi au samedi de 8h00 à 19h00. À partir du 7 juin 2021.