« Ici, il n’y a que du papier, des ciseaux et de la colle. Bref, des trucs de gosses… » C’est comme ça que Sophie Chénel résume le contenu des 1 500 m2 de surface qui abritent la société familiale depuis 1974. « Avant nous étions déjà à Vanves, mais dans un autre quartier. » Elle représente la quatrième génération à la tête de Procédés Chénel. Une entreprise de 400 personnes hier, devenue PME aujourd’hui, mais avec la même mission : transformer du papier en décors pour des créateurs de tous horizons et de toutes nationalités. Car les papiers, à l’origine d’une cinquantaine de brevets déposés, sont des développements « maison » et des « non feu » : « Une particularité unique au monde », souligne Sophie Chénel. Quand on lui demande quelle profession elle exerce, elle répond : « Je fais de l’architecture de papiers. » Un drôle de métier pour celle qui voulait devenir architecte tout court. Mais une fois aux Beaux-Arts de Paris, après un bizutage un peu trop osé, l’étudiante a tiré sa révérence. Pour retrouver ses marques, direction un atelier de dessin, puis un double BTS de secrétariat de direction et commerce international. Ses premiers pas dans la vie active ont été à la direction juridique de Valeo, « où j’ai appris la rigueur ». La suite : à 27 ans, elle a le choix entre un job en or à Hong Kong ou rejoindre son père, Guy Chénel, dans les ateliers de Vanves. Elle a préféré la petite couronne francilienne à la mégalopole peuplée de gratte-ciels.

De la suite dans les idées et les mains dans le moteur…

Tout ce qui se fait chez Procédés Chénel relève de la fabrication artisanale et du « made in France ». Pas de posture, ni d'imposture dans le positionnement de la boîte. Et ce d’autant que Sophie Chénel n’aime pas le mensonge. Quand elle parle de développement durable et de responsabilité sociétale, ce n’est pas du bidon, ni pour faire bonne figure dans une friche culturelle à l’heure de l’apéro. Elle a de la suite dans les idées et les mains dans le moteur. Chaque année, elle recycle des décors périmés, offre des chutes aux étudiants en design ou en architecture et transforme quelque 3 tonnes de Drop® Paper, un composite à base de fibre de verre, polyester et cellulose, en Drop®Cake. C’est quoi ça ?  Une plaque rigide aux airs de millefeuille coloré, moucheté, avec laquelle d’autres décors voient le jour. Lauréat du prix Innov’up de la BPI, ce nouveau matériau a inspiré, en 2020, une vingtaine de designers, architectes et plasticiens – dont Soline d’Aboville et Marianne Guedin -, sous la direction artistique de la designer Sophie Larger. Tous ont imaginé objets, pièces de mobilier, sculptures, dont certains sont encore exposés dans les immenses locaux de Vanves. Un espace à part, « où l’on crée de la cocotte en papier jusqu’au hall de 50 000 m2 : ce n’est qu’une question d’échelle », explique Sophie Chénel. Entre les deux, les clients – architectes, designers, scénographes, organisateurs d’événements… - sont friands de cloisons, plafonds, luminaires, mobilier, accessoires… le tout modulable, portable, transportable et pensé sur mesure. Une personnalisation de chaque commande rendue possible grâce à une large palette de couleurs et un papier ignifugé qui se décline en calque, kraft, carton... la liste est longue. Une profusion de solutions qui plait à Magali Lancien. A l’origine de l’association French Craft, elle fédère savoir-faire, « excellence à la française » et « passeurs de pensées », comme elle dit. Procédés Chénel fait partie de l’aventure, aux côtés du Jacquard Français, Maison Bourgeon, Macéo Paris ou encore Ostraco Design.

Un décor XXL dans la salle des pas perdus des Beaux-Arts

En quête de mécènes, sponsors, partenaires, French Craft s’implique déjà auprès de ses adhérents. A la fin des années 2010, Magali Lancien a ainsi proposé à Sophie Chénel de concevoir un décor XXL dans la salle des pas perdus des Beaux-Arts de Paris. C’est donc en installant une immense cloison de papier que l’ancienne étudiante est revenue dans l’école qu’elle a fui autrefois. Une cloison aérienne, légère, éphémère, comme celle qui sépare aujourd’hui cette « architecte de papiers » des architectes tout court.

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