Leur complicité est évidente. Il suffit de prendre un café avec eux pour s’en apercevoir. L’un complète les phrases de l’autre. Ils se taquinent, échangent des points de vue, fédèrent des idées, s’impliquent dans les mêmes projets… Le père guide son fils. Le fils ouvre de nouveaux horizons à son père. Le père, Samuel Coriat, a fondé Artelano en 1973 : à l’époque, cet HEC, ancien de chez Havas, avait le choix entre créer une agence de pub ou éditer des pièces de designers. Il a choisi l’option « design », « sans savoir faire un prix, seul avec une secrétaire et le stock au sous-sol », se souvient-il. Sa boutique était alors rue Schœlcher, à Paris. Ses voisins de palier ou de quartier s’appelaient Soulages, César, Sartre et Beauvoir… Le fils, Charles Coriat, avait 18 ans quand son père a vendu Artelano. C’était en 2008. La fin d’une aventure pour Samuel Coriat, qui a édité les inconnus d’hier, devenus références du design d’aujourd’hui. A l’instar de Patricia Urquiola : « On l’a fait connaître alors qu’elle travaillait encore pour Lissoni Associati. » Mais Artelano, c’était aussi des créations signées Eric Gizard, Didier Gomez, Claude Pelhaître, Richard Peduzzi, Marc Krusin ou encore Christophe Pillet. Charles Coriat a grandi dans cet univers. « Tous les designers l’ont connu bébé », confie son père. Le fils sourit. Cette immersion immédiate dans le design, les foires et salons en Italie, les fêtes mémorables orchestrées par son père, sont une formation accélérée rêvée. Bien mieux qu’une école. Alors le père prépare le terrain lorsque le fils décroche son BTS de commerce international. L’aîné a envie de transmettre un savoir, un savoir-faire. Il propose au plus jeune de tenter une aventure commune. Charles Coriat dit banco. Résultat : en 2014, le duo fonde Coédition.

La rigueur du père et la lucidité du fils

Avec le succès d’Artelano en bandoulière, les Coriat auraient pu se la jouer cool… Mais c’était sans compter la rigueur du père et la lucidité du fils, conscient qu’entre 1973 et 2014, la donne a changé. La concurrence s’est développée. Les modes de vie ont évolué. Le Web est arrivé. Quant aux articles dans la presse, on ne les a plus avant d’avoir des clients, comme l’a connu Samuel Coriat a ses débuts, rue Schœlcher. Le parti pris du tandem ? « Mettre en avant les designers. » Autrement dit : Coédition est une petite maison, « mais on a les plus grands », souligne Samuel Coriat. Ils sont tous dans son carnet d’adresses. « Des années Artelano, nous avons gardé Patricia Urquiola, Shin Azumi, Olivier Gagnère et Marco Zanuso Jr. » Rien que ça. Un casting auquel s’ajoutent Rodolfo Dordoni, Patrick Jouin, Luca Nichetto, Dominique Perrault & Gaëlle Lauriot-Prévost ou encore Alain Moatti. Une liste qui s’allonge au gré des découvertes et des rencontres. Cette année, Charles Coriat a ouvert la porte de Coédition au designer allemand Sebastian Herkner et au duo norvégien Anderssen & Voll. Le fils ose, s’impose, sous l’œil averti du père qui veille « au maintien d’une qualité et d’une exigence », comme il dit. D’ailleurs, il continue d’œuvrer avec certaines usines italiennes qu’il sollicitait déjà du temps d’Artelano. C’est le cas de l’entreprise qui travaille le métal : « Je connais le patron depuis 1973. Nos fils ont le même âge… »

Zéro plastique et des valeurs éthiques

La crise sanitaire n’empêche pas les Coriat, père et fils, d’avancer. Ils s’adaptent à la situation. Avec un « e-shop » qui fonctionne depuis cet hiver et un compte Instagram plutôt bien tenu, car il est source de commandes. Côté projets, de nouvelles créations sont attendues pour les prochains salons de Milan et Cologne. Parallèlement, Charles Coriat aimerait amorcer une collection de luminaires, mais il prend le temps de la réflexion. Enfin, le père et le fils souhaitent insister davantage sur l’aspect écologique du positionnement de Coédition. Normal : avec eux, zéro plastique, des matériaux nobles et des valeurs éthiques. Quant à la fabrication des assises, consoles, tables, bureaux ou autres canapés, elle est réalisée en Italie, dans des usines voisines de moins de dix kilomètres. Chaque semaine, leurs transporteurs débarquent avenue Bosquet, à Paris, où Coédition a installé son showroom en 2017. Un espace imaginé par le designer Luca Nichetto, où Charles Coriat a son bureau. Son père, lui, passe une tête – masquée – régulièrement. Et, en cas d’urgence, il habite à deux pas.

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