Printemps 2020. Le confinement de la France touche à sa fin. Laurent Buraud s’apprête à faire sa rentrée… des classes. Très classe : en blazer-gilet-cravate et lunettes assorties. Sa panoplie. Ce qu’il redoute le plus ? La promiscuité dans le métro entre le XIIe arrondissement, où il vit à Paris, et le XVe, où enseignants et gosses de primaires l’attendent : « Mais j’ai mon masque. » Son job ? Bras droit de la direction d’un groupe scolaire, où il initie aussi les enfants à l’art. Car l’autre vie de Laurent Buraud, c’est la peinture, les pinceaux, les couleurs, les histoires de l’art : « J’ai profité du confinement pour relire En prison d’Egon Schiele et quelques écrits de Basquiat. » Comme bon nombre d’autodidactes, c’est un boulimique de culture. Il dévore les bouquins et fréquente les musées depuis « l’âge de 4 ans ». Les premiers, c’était à Paris avec sa grand-mère et ses tantes, qui l’ont élevé jusqu’à l’inscrire dans « des écoles d’art », comme il dit. « Car je dessinais partout, tout le temps. » Mais ses profs ne comprennent ni son travail, ni sa personnalité attirée par les chemins de traverse. « On me trouvait trop abstrait. » Verbatim de circonstance pour atténuer l’impuissance de certaines écoles à savoir garder, dans leurs rangs, les esprits attirés par la marge.

Il travaille au sol, « comme Pollock »…

« Je n'ai jamais arrêté de dessiner et peindre. » Quitte à multiplier les petits boulots pour manger tous les jours : « J’ai été marchand de journaux, barman… J’ai habité un temps dans un squat. » Une bohème de vingt ans, « où j’ai vécu de mon art ». A l’époque, pas de réseaux sociaux, juste du bouche à oreille et des expos dans des lieux publics. Les galeries, il n’y croit pas : « Elle ne s’adressent qu’à certaines personnes. » Lui, il veut toucher « tout le monde ». Alors Laurent Buraud prend plaisir à accrocher ses toiles dans un bistrot, un resto… et peut-être bientôt le métro. « J’aime la perspective que l’art ne soit plus réservé qu’aux privilégiés. » Quand on lui parle d’atelier, le sien est installé chez lui : « Par terre, dans le salon. » Car il travaille au sol, « comme Pollock ». Durant le confinement de ce printemps 2020, il a réalisé une cinquantaine d’études sur papier et six toiles. Sa priorité, une fois déconfiné : « Aller m’acheter des fournitures pour peindre et dessiner, car je suis au bord de la rupture de stock. » Dans cet « après » qui s’amorce, il souhaite « rester dans cette dynamique créative, ce calme ambiant, qui donne le temps de réfléchir à une couleur, savoir si on va la tirer au couteau ou pas… » Il parle aussi d’une expo prévue dans un resto du XIe, de ses carnets noircis, remplis de croquis, idées, articles de presse et citations. Comme celle d’Albert Camus : « Créer, c’est vivre deux fois. »