« Je peux donner un selfie pour illustrer cet article ? » Cette question résume toute la spontanéité qui émane de Sylvie Ollivier. Directe, sans chichis, elle a donc choisi un portrait « fait maison », récent, souriant, en noir et blanc. Un duo de couleurs tel un clin d’œil à sa double vie. Double vie parce qu’avec un DESS de marketing en poche, elle a travaillé pour Air France, Bayard Presse, dans des bureaux, avec clim’, néons, machine à café, tickets resto, RTT… alors qu’elle danse depuis l’âge de 5 ans sans oser en faire un métier. « Je me souviens du trou que j’avais creusé sur la moquette de ma chambre d’ado, à force de tourner sur les pointes au même endroit... Mais j’étais douée en classe. Décrocher un DESS, c’était facile. » Pourtant c’est bien de liberté, de légèreté dont elle rêve depuis longtemps. De fantaisie aussi : « J’ai fait du théâtre au lycée. En fin de Terminale, je jouais tous les jours à l’heure du déjeuner. » Elle a encore la photo de sa troupe de l’époque, sur laquelle une copine a signé : « Bonne chance à Los Angeles ! » C’est au milieu des années 2000 que Sylvie Ollivier va sauter le pas et fuir les « open spaces » aseptisés de certains quotidiens de salariés. Le déclic : « Un choc émotionnel, résume-t-elle avec pudeur. Là, j’ai compris qu’on n’avait qu’une vie. »

© Frédérique C Photography

Gamine, elle voulait devenir « dresseuse de fauves dans un cirque »

Née à Djibouti, Sylvie Ollivier a beaucoup bougé, voyagé. Père militaire oblige. Elle a vécu en Bretagne, du côté de Lyon, à Pau, étudié à Poitiers. Le mouvement, elle connaît. Alors quand elle décide de quitter Bayard pour danser ici et ailleurs, elle renaît. « Les studios et la scène me rendent heureuse. » Inscrite dans une école de comédie musicale à Paris, elle enchaine illico avec la tournée d’une adaptation du Livre de la jungle, avant d’atterrir chez Disney, à Marne-la-Vallée, où elle va jouer coup sur coup une maîtresse de cérémonie dans La Fête magique et une sorcière pour Halloween. La suite : un cursus au Centre national de la danse pour pouvoir enseigner, transmettre à son tour, et la formation d’un duo en 2015. Avec son partenaire, c’est l’accord parfait. Ils produisent leur spectacle à Paris, Avignon, Sens, Carcassonne… Complicité, vie sur les routes, dynamique à deux. Mais le  duo se désaccorde deux ans plus tard. Elle et lui ne sont plus sur la même longueur d’onde. Rupture. Blessure. Mais pas de coupure avec la danse pour Sylvie Ollivier. Du duo, elle passe au solo, imagine de nouvelles chorégraphies, d’autres histoires à raconter au public comme à ses élèves. Curieuse, audacieuse, en quête d’insolite, elle a même accepté une résidence où elle a dû imaginer une « choré » avec un acrobate. Pas banal pour celle qui, gamine, voulait devenir « dresseuse de fauves dans un cirque ». « La danse est un langage, dit-elle. C’est celui que j’ai choisi pour défendre mes idées. » Des propos qui font écho à ceux de la danseuse et chorégraphe allemande Pina Bausch, en 1999 : « Certaines choses peuvent être dites avec des mots, d’autres avec des mouvements. Mais il y a aussi des moments où les mots nous manquent, [...] alors commence la danse. »