Après une amorce de débat dans L’Obs, Philippe Vilain inspire six pages à François Bégaudeau dans le dernier numéro de Transfuge. Car le nouvel essai de l’écrivain, La littérature sans idéal, désormais en librairie, questionne, interroge et surtout met le doigt là où ça fait mal. Quand Alain Souchon s’inquiète sur ce « comme on nous parle », Vilain, lui, tire la sonnette d’alarme sur ce que l’on empile chaque semaine sur les tables des librairies. L’écrivain n’y va pas par quatre chemins. D’emblée, il donne le ton : « La littérature cesse d’être un art purement littéraire ». Il développe. Il argumente. Il dissèque. Son plan et sa démonstration relèvent de la logique mathématique. « La littérature s’est castrée à force de se confronter à une production commerciale convenue », écrit-il encore. Il parle aussi de « soumission à la loi du marché ». Audacieux. Courageux. Car ils se font rares aujourd’hui les kamikazes qui prennent des risques pour dire, écrire, montrer, démontrer, raconter.
Où se cachent les nouveaux référents hors tout consensus mou ?
Vilain s’insurge aussi contre les pseudos critiques littéraires qui ont émergé sur le Net. Les chefs cuisiniers disent la même chose des vrais-faux chroniqueurs « gastro ». Et les blogueuses « mode », alors ? Celles qui, il y a encore six mois, ne faisaient pas la différence entre Dim et Dior. Quelle pertinence accorder à leurs commentaires ? Tout aussi déprimant : les apprentis journalistes qui emboutissent des copiés-collés de communiqués de presse sur la toile, sans savoir ni titrer, ni rédiger une phrase d’attaque, ni légender une photo et encore moins la créditer… Quand Vilain prend le pouls de la littérature, il ne fait que tirer l’un des fils d’une vaste imposture ambiante qui touche bon nombre de secteurs. Où se cachent les nouveaux référents hors tout consensus mou ? Faut-il forcément se positionner dans une marge pour sortir du troupeau ? Nous a-t-on dit, un jour, que pour gagner une course de fond il fallait en baver plus que les autres ?