Rendez-vous le mardi 12 octobre 2021 à 18 heures, à la mairie de Paris Centre (2 rue Eugène Spuller, Paris 3e), pour une conversation avec le romancier et essayiste Philippe Vilain. Nous parlerons écriture, voyage et de son ouvrage Mille couleurs de Naples (Stilus), où l’écrivain raconte son « éblouissement » pour cette ville, où il vit désormais.

 

Inscription avant le 11 octobre 2021, sous réserve de places disponibles : comite.mun1er@orange.fr

 

Pour patienter jusqu'en octobre, retour sur un texte que Philippe Vilain a écrit, en 2019, pour la revue 1 Epok formidable (n°3 disponible ICI). Son titre : L’insilence de Naples. Une invitation au voyage, entre observation et contemplation d’une ville qui vit, vibre, veille, s’éveille, chante et murmure aussi…

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De même que, selon le mot fameux de Sacha Guitry, « lorsque l’on vient d’entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore du Mozart », de même l’absence de bruit qui nous saisit en entrant dans la chartreuse de San Martino, plantée sur la colline du Vomero à Naples, n’est pas tant du silence que le prolongement assourdi de la rumeur citadine : elle est encore son œuvre, son contre-temps ou sa syncope pour filer la métaphore musicale. Le vrai silence, d’ailleurs, le silence absolu n’existe pas. Dans les campagnes, il est modulé par le souffle de la nature et le chant des oiseaux, les cris des bêtes et le crissement des vieilles bâtisses, le tintement horloger des cloches et les démarrages fanfaronnant des tondeuses et des tracteurs, des mobylettes carénées qui se perdent dans l’horizon des champs de blé : les campagnes ont leur chant qui font croire au silence.

Il n’existe pas de silence sans bruit

Dans les villes, ce silence est imposé par la volonté de l’homme pour rendre hommage (demander une minute de silence), écouter une œuvre (faire silence au théâtre) ou asseoir son autorité (faire respecter le silence). Où que nous soyons, le silence est un leurre que nous, tout bruissant de mots et de musique, aimons à penser. Car il n’existe pas de silence sans bruit, ni de bruit sans silence. Les deux compères ne s’opposent pas mais se complètent par alternance. Et tout est toujours une question de mesure, de degré, de niveau de décibels ; un peu plus, et le silence bruisse ; un peu moins, et le bruit s’assourdit. Depuis la chartreuse San Martino, absorbés que nous sommes par la splendeur de la baie de Naples, du Vésuve et de Capri au loin, pétrifiés par l’épaisse tessiture de l’air, nous n’entendons plus rien que la rumeur essorée de la ville, nous n’entendons plus rien un chant épuisé qui semble s’être oublié en escaladant les ruelles populaires.

Une ville qui possède sa musique particulière

Ville de musique, d’opéras et de chansons, où sont passés les plus grands compositeurs (Mozart, Mendelssohn, Rossini entre autres), où ont chanté les plus grands castras dont le sublime Farinelli, où s’improvisent à une dizaine de mètres du teatro San Carlo des Funiculi finiculà a capella, des ô sole mio mandolinés, des complaintes du si émouvant Pino Daniele et des tarentelles sur les pavés de lave, Naples n’est pas une ville bruyante, rumorosa, comme les autres grandes métropoles, mais une ville qui possède sa musique particulière, son chant de gaité, une rumeur incessante, baroque et joyeuse qui s’accorde au mouvement de la ville, aux trépidations de son insouciance, une rumeur que nous finissons par ne plus entendre parce qu’elle s’impose en nous, une rumeur musicale qui, au fond, n’est ni du bruit ni du silence, mais quelque chose entre les deux, comme une forme d’insilence subtil. Car Naples, immense village urbain, piéton en son centre, où le tourisme défile désormais en procession religieuse, n’est ni bruyante comme Paris, ni silencieuse comme ses sœurs, les belles endormies que sont Vérone et Florence, Naples est seulement insilencieuse. / Philippe Vilain, pour 1 Epok formidable