« A la prochaine réunion budgétaire, j’arriverai habillée en punk avec une crête sur la tête ». Non, Pascale Mussard n’est pas aux manettes d’un label de « rock indé », mais directrice artistique de petit h, laboratoire créatif de la maison Hermès. Un labo basé à Pantin, où l’on offre une seconde vie aux « attachantes pièces détachées » que sont les matières et objets récupérés dans les ateliers. « Cette année, on m’a demandé d’être punk », explique-t-elle, chaussée de baskets Twins for Peace -marque créée par ses fils Maxime et Alexandre- et vêtue d’un manteau signé Faye Toogood. Boutade ou pas, elle a envie de prendre cette requête d’Hermès au premier degré. Car le léger et le décalé l’inspirent. Ce serait même un sport. Pourtant, au départ, tout en étant issue de la sixième génération d’héritiers, rien ne la prédestinait à rejoindre l’enseigne familiale du Faubourg Saint-Honoré. « Petite-fille, je voulais être chirurgien comme mon parrain ou architecte, comme mon père ». Mais ce-dernier la dissuade de l’imiter : « son métier, c’est la seule chose qu’il m’a défendu de faire ». Elle s’inscrit alors en médecine. Mais, en deuxième année, une séance de dissection met fin à sa vocation : « je n’étais pas faite pour ça ». Elle atterrit en Droit, puis en école de commerce, avant de rejoindre le bureau de style de Nicole de Vésian : « cette femme avait un talent pour tout transformer, y compris les tapisseries de sa belle-mère ! » Pascale Mussard travaille alors aux côtés d’une autre « jeune recrue » : un certain Christian Lacroix. Un duo que Nicole de Vésian va conserver lorsqu’elle prend la tête du prêt-à-porter chez Hermès, à la fin des années 1970. « C’était joyeux, se souvient Pascale Mussard. Je m’étais aménagé un petit bureau sous les toits et je pique-niquais sur la terrasse ». Puis, elle va passer par le service communication ou encore la publicité. On lui doit notamment d’avoir fait la promo d’un carré de soie sur un blouson en jeans : shocking ! Tout aussi inédit : les expos organisées avec Hilton McConnico, entre cabinets de curiosités et scénographies avant-gardistes.
« Je suis reconduite, mais avec zéro de conduite ! »
Grain de folie du 24 Faubourg, son audace surprend encore aujourd’hui. « Après trente-huit ans de maison, je viens d’avoir mon premier entretien d’évaluation, confie-t-elle. Je suis reconduite, mais j’ai zéro de conduite ! » Et « zéro limite » avec petit h. Véritable cour de (ré)création, le labo de Pantin s’ouvre à des artistes, artisans, designers qui laissent vagabonder leur imagination au milieu des soies, peaux, porcelaines, mousselines… Une autre idée du voyage, chère à Pascale Mussard, capable de prendre un train ou un avion avec une valise à roulettes de chez Muji et un foulard de soie métamorphosé en sac par Christian Astuguevieille : époque formidable. Son mot favori ? « Modestie ». « Je préfère de loin un galet à un diamant », dit encore cette collectionneuse de chiffons issus des ateliers Hermès et petit h : « quand je les étale, on dirait des Pollock ». Avec elle, tout devient poésie. Magie. A partir de simples boulons, chinés chez Weber métaux -son adresse fétiche-, elle peut créer un collier. Et, bien sûr, le porter. Pourquoi pas lors de sa prochaine réunion budgétaire ? Les Sex Pistols auraient apprécié ce profil d’anar-chic.