Il les bichonne. Il les pomponne. Avec des poudres colorées et un pinceau de maquilleur. Mais ça, c’est pour la touche finale d’un travail de plusieurs jours, semaines et souvent plus. Entre le moment où Bastien Blanc-Tailleur peaufine ses premiers croquis et celui où ce chef pâtissier de 29 ans livre un gâteau, il peut se passer jusqu’à deux mois. Parce qu’il le travaille comme d’autres conçoivent une robe pour une maison de haute couture. La  pièce est dessinée, structurée, réalisée, montée, dressée, portée, apportée, servie. Unique, elle répond à une commande singulière : celle d’un couple qui s’unit. Ici, pour le meilleur… Car la spécialité de Bastien Blanc-Tailleur, c’est le gâteau de mariage. La pièce montée – jusqu’à trois mètres de haut -, mais pas que. Il a recréé le château de Vaux-le-Vicomte en gâteau et le secret de fabrication de ses fleurs en sucre – plus vraies que nature… - suscite bien des convoitises.

« A l’époque, je pouvais goûter jusqu’à 30 gâteaux par jour »

Sa grand-mère était douée pour la pâtisserie. Tout est parti de là. Gamin, à Lisieux, il était sensible à ce qu’elle préparait. « Je la regardais faire et je l’aidais », confie Bastien Blanc-Tailleur. Une attirance innée pour sucre et sucré, qui va le poursuivre. Ado, il réalise tous les desserts et gâteaux familiaux. Si bien qu’en fin de de classe de 3e, il émet le souhait de devenir pâtissier. Ses parents tiquent un peu, mais le laissent partir en apprentissage à Villers-sur-Mer. Là, aux côtés d’un ancien de chez Ladurée, « j’ai appris toutes les bases » et la rapidité d’exécution : « L’hiver, nous faisions une quarantaine de pièces de viennoiserie par jour, mais l’été, ça passait à 2 000 ! » La suite : trois ans au sein de la maison Pillon à Toulouse, où il s’initie aux décors en sucre et participe à de nombreux concours. Mais son objectif, c’est Paris. Il pose d’abord ses valises à Colombes, chez un Meilleur ouvrier de France, puis il intègre les équipes de chez Carette, place du Trocadéro, où il va rester deux ans. « A l’époque, je pouvais goûter jusqu’à 30 gâteaux par jour que j’achetais chez tous les pâtissiers qui me faisaient rêver ! » Pas intimidé par la prise de parole en public, après Carette il transmet son savoir-faire à des plus jeunes, devient consultant auprès de restaurants, le Cordon Bleu l’invite même dans ses locaux le temps d’une « master class ». Puis, le chef étoilé Yannick Alléno le sollicite pour faire l’ouverture de Ledoyen. Bastien Blanc-Tailleur fait partie de la brigade qui décroche les 3 étoiles Michelin : « J’avais l’impression de faire trois journées en une, mais j’ai beaucoup appris et surtout je travaillais des produits d’exception tous les jours. Je me souviens d’avoir rappé de la truffe blanche chaque matin, pendant un mois. » Un rythme soutenu, donc, qu’il tient pendant deux ans, avant de rejoindre les équipes du George V, sous la houlette du chef étoilé Christian Le Squer. Les banquets font alors partie de ses attributions et ça développe son goût pour les gâteaux de mariage. Ce qu’il aime dans cet exercice ? « L’anti-routine et le sur mesure. » Au bout de six mois, il quitte le palace parisien et monte sa boîte, qui porte son nom, parce qu’il a sa première commande. A savoir : « Un gâteau pour un mariage organisé à l’Opéra Garnier. »

« Je travaille tout le temps »

Il trouve un labo à Champigny, où il est toujours installé. Puis, peu à peu le bouche à oreille fonctionne et les wedding planners le sollicitent. Car les clients sont bluffés. Et pour cause : Bastien Blanc-Tailleur fait tout. En solo. Du moodboard aux dessins de ses gâteaux, en passant par la création de ses moules grâce à une imprimante 3D, sans oublier le shooting photo de ses réalisations : il est le seul maître à bord. Son travail mêle minutie, précision, imagination, perfection. Proche des artisans d’art dans son mode opératoire, il cite en référence le designer floral belge Daniel Ost, avec lequel il a déjà réalisé trois mariages. Quant à ses propres fleurs, « j’ai appris à les faire en lisant des dizaines de livres », révèle Bastien Blanc-Tailleur en pointant la longue rangée d’ouvrages qui borde les fenêtres de son labo. Sa clientèle ? Le gratin du gratin, quelques familles royales et des profils capables de privatiser le château de Chantilly, un palais à Vienne ou une propriété face au lac de Côme. Suivi par près de 50 000 fans sur Instagram, Bastien Blanc-Tailleur a tout sauf la grosse tête. Il prend autant de plaisir à parler de ses gâteaux de fêtes que du pain perdu ou de la tarte aux pommes à la cannelle qu’il concocte chez lui, le week-end. « Je travaille tout le temps », dit-il. Un sens de l’endurance qui n’a rien d’une recette miracle, mais explique la cote de ce talent caché au fin fond de Champigny… loin des palaces et autres vitrines en vue des beaux quartiers.

© Cédric Klein