Le rendez-vous était au Winston, rue de Presbourg. Pas de bol : le Winston était encore en travaux. Alors ça s’est terminé au Drugstore. Sur les Champs Elysées. La bonne adresse, finalement, pour parler de Joe Dassin… « Ça fait 40 ans qu’il est mort », rappelle Mathieu Alterman, ancien de chez Universal, capable d’être chroniqueur politique le matin (Sud Radio) et pipelette « people » le soir (C8). Journaliste, ex-plume de la revue Schnock, auteur de bouquins, sa spécialité, c’est la « pop culture ». Alors, avec Joe Dassin, on est pile dans le mille. Et ce d’autant que la Sacem a choisi Alterman pour endosser la panoplie de commissaire d’une expo « on line » consacrée au chanteur. Un chanteur connu pour L’Amérique et L’Eté indien, nettement moins pour ses trois années de médecine et sa maîtrise en anthropologie. Or c’est ce contraste qui est mis en avant dans l'expo. Un va et vient entre le « Jojo », pote de Carlos, capable de composer Senor Météo en 1974 ou Big Bisou en 1977, et le Joe Dassin, fan de folk et de country, qui enregistre son dernier album, Blue Country, avec Tony Joe White. Oui, soudain, on ne le voit plus comme avant le bon client des Carpentier, qui déboulait sur les plateaux des Numéros Un en costard blanc immaculé.

Voyage dans le temps et Dernier slow

© Musée Sacem

« Déchiré entre son statut de star et sa passion pour les folk songs, le blues et Brassens, Joe Dassin a vécu sa carrière caché, de peur d’être décrypté. » C’est l’angle qu’a choisi Alterman pour évoquer l’artiste. Et il mène bien sa barque, sans nous perdre en route. Sa démonstration se divise en cinq parties, chacune rythmée par une sélection de tubes et de créations moins connues de Joe Dassin, qui nous renvoient illico dans les années 1960 et 1970. Voyage dans le temps et dans les anecdotes dont Alterman est friand. Un exemple avec la naissance du Dernier slow : « Au printemps 1979 Joe Dassin est au plus mal. Ses deux derniers albums sont des échecs cuisants (…) Quand il entre en studio pour y enregistrer un nouveau 45 tours, il sait qu’il doit réagir ou tout arrêter. Le dernier slow est une adaptation de la chanson Italienne Blu de Luciano Angeleri. A la première écoute on peut certes la trouver facile, attendue, un rien démago. Il n’en est rien. Pierre Delanoë et Claude Lemesle ont à demi-mot compris qu’il s’agirait de la dernière chanson du genre enregistrée par Dassin. Un adieu aux ballades italiennes un peu sirupeuses. Lemesle se torture toute une soirée afin concocter le désormais célèbre Comme si l’air du temps se trompait de tempo, mais les mots résument bien la situation : le disco n’intéresse pas le chanteur cowboy, les slows italiens l’ont mis en pilotage automatique et derrière ces 3 minutes 30 de sensualité moite se cache bien un blues. »

La presse crie au scandale…

Alterman sait fouiner, conter et raconter. Une dernière pour la route, avec l’histoire de Salut les amoureux : « La version originale américaine The City of New Orleans, écrite par Steve Goodman et interprétée par Arlo Guthrie, raconte la traversée des Etats-Unis vue d’un train. Impossible à comprendre pour le public franchouillard. Claude Lemesle, le parolier et ami de Joe s’entretient longuement avec la sœur du chanteur Richelle Dassin. Ils conviennent de s’éloigner complètement du texte original et d’inventer cette histoire de rupture qui se passe un peu trop bien. Le texte est extraordinaire mais toute la presse, convaincue de son monopole du bon goût, crie au scandale quand elle entend Salut les amoureux, à la trahison. Joe Dassin est perçu comme un chanteur de variété habillé de blanc, une prison dont il ne parviendra jamais à vraiment sortir. Quelques semaines après la polémique, l’éditeur américain envoie une lettre dithyrambique affirmant que la version française de Joe est meilleure que la leur et le 45 tours se vend à 200 000 exemplaires. Belle revanche. »

Expo Joe Dassin à découvrir sur le site de la Sacem et c'est ICI.

© Musée Sacem