Confessions de confinés # 18

 

Ils sont écrivains, musiciens, designers ou photographes. Ces « enfermés bien inspirés » parlent de leur confinement. Confessions en 3 questions, illustrées en 1 image… et plus, si ça leur dit : ici, l'écrivain Daniel Fohr livre sa dernière nouvelle.

 

Daniel Fohr, écrivain : « Je ne recours pas à la technologie pour palier la raréfaction des échanges… »

 

Toujours inspiré par temps de confinement ?

D.F. : Le confinement n’a pour l’instant rien changé à mon travail. Je passe toujours plusieurs heures par jours à écrire et finalement ce n’est pas très différent de ma vie d’avant. Beaucoup d’écrivains ou de peintres, à mon avis, sont dans cet état d’esprit. J’ai remarqué que le rétrécissement de mon activité sociale, n’a pas entraîné de phénomène compensatoire : je ne téléphone pas plus, je n’envoie pas plus de mails (en dehors des exigences en la matière du travail à distance), je ne communique pas plus avec mes relations que je ne le faisais auparavant. Je ne recours pas à la technologie pour palier la raréfaction des échanges. Ça semble aller à l’encontre de la logique de compensation. J’ai écrit mon dernier roman, sur un porte-containers entre Le Havre et Buenos Aires, une cabine de cinq mètres sur quatre, un équipage de vingt-six personnes qu’on ne voit pratiquement jamais et la mer tout autour. Celui que je termine se passe sur une île, ce qui est aussi une métaphore du confinement. Le confinement ne me gêne pas pour écrire tant que j’ai encore en moi matière pour le faire. Je veux dire qu’à un moment, il faudra que je me nourrisse d’autres choses que de moi-même et de ce qu’on trouve dans les livres ou sur le net. Je ne suis pas un adepte de l’auto-fiction, même si un auteur parle toujours de lui d’un certaine façon. Les histoires que j’écris sont des fictions que j’ai besoin d’appuyer sur des éléments réels ou des expériences vécues pour y croire moi-même et faire croire à d’autres qu’elles sont réelles. On ne peut pas tout inventer et je reste convaincu de la pertinence de la sentence hemingwayienne « Écrivez que sur ce que vous connaissez ».

La dernière image postée sur les réseaux dits « sociaux » ?

D.F. : La dernière image que j’ai mise en ligne est celle d’un mur de la prison de la Santé, à Paris. C’est une image que j’ai prise pour illustrer une nouvelle publiée sur mon site, parce que j’ai toujours aimé introduire un texte par une image, comme la couverture d’un livre ou la pochette d’un vinyle. Ça donne le ton. La nouvelle s’appelle « Une fille ». Elle concerne une amie de lycée devenue gardienne de prison. C’est une tragédie du quotidien, l’histoire tristement vraie, banale, et unique d’une fille abusée par son père, Inspecteur Général de l’Education Nationale, de six à treize ans, à Nantes. Ce mur est une double image du confinement, en fait, celui de la prison d’une part et l’image symbolique de l’enfermement d’une femme dans sa propre histoire, d’autre part, une femme qui n’a eu de cesse pour s’évader de son passé, de s’autodétruire. C’est une nouvelle très courte (lien en bas de page).

La priorité une fois déconfiné ?

D.F. : Ce sera un voyage, je ne sais pas encore où, pas nécessairement très loin. La vallée de la Cerdagne en Espagne est magnifique, celle de Coe en Ecosse une merveille et l’Aubrac que j’ai traversé il y a quelques années, d’une beauté que je ne soupçonnais même pas. L’Europe est proche. M’immerger dans un milieu différent et me nourrir d’autres sensations, pensées, parfums, langages, visages. Voir des paysages qui me dépaysent me manque. Ce sera sans doute un voyage en moto, pour libérer le corps par la vitesse et retrouver la sensation de l’espace. C’est une ré-appropriation physique, même si l’indolence et la léthargie ont leurs vertus sensuelles et apaisantes. Sinon, écrire et publier, parce que je ne trouve pas de meilleure façon de communiquer avec les autres. La lenteur de l’édition me rend fou.

A lire : « Une fille »