JEUX DE VILAINLa première fois que je l’ai vu, c’était dans le magazine Elle. Non, Philippe Vilain ne posait pas dans les pages Mode. Sa photo avait atterri dans la rubrique Livres. Plus logique pour un docteur en Lettres modernes de Paris 3. Une journaliste vantait la qualité du deuxième roman de Vilain, intitulé La Dernière année (Gallimard). C’était en 1999. Ce livre traitait de l’alcoolisme d’une façon très personnelle. Et pour cause : l’auteur y parlait de son père. Travaillant alors dans la presse médicale, cette approche de l’addiction m’intéressait. J’avais donc donné rendez-vous à Vilain au Rostand, café situé à mi-chemin entre nos deux domiciles parisiens de l’époque. Depuis, on s’est vu, revu, croisé, recroisé. On a refait le monde et trainé dans quelques bistrots avec Philippe Bertrand, Arnaud Guillon… Nous sommes devenus amis, Vilain et moi. Mieux : nous sommes restés voisins de quartier. Il m’envoie tous ses livres, qui font partie de ceux que j’ouvre et ne referme qu’une fois terminés. Je les lis d’une traite. C’est rare. Et je les attends comme autrefois j’attendais la sortie du « dernier Rohmer ». Quand le film était à l’affiche, j’allais le voir le premier jour, à la première séance, souvent au Saint-Germain-des-Prés -tristement rebaptisé depuis…-.

Le passage du « grantécrivain » à « l’écrivain pour tous »

Pourquoi parler de Vilain aujourd’hui ? Parce que son dernier essai, La littérature sans idéal (Grasset), sort le 6 avril en librairie. Un pavé dans la marre qui a déjà fait débat dans les colonnes de L’Obs. Et ce n’est pas fini, promet-on… Car Vilain dresse un constat un brin dévastateur sur l’état de la littérature française contemporaine. Il la trouve banalement consensuelle, sans envergure, sans âme, fidèle aux mécanismes de l’offre et de la demande. Il parle de « désécriture » et du passage du « grantécrivain » à « l’écrivain pour tous ». Pertinent. Intelligent. Vilain traite sérieusement du sujet sans se prendre au sérieux. La preuve : la semaine dernière, au Tournon, on a papoté bouquins, écrivains, mais aussi foot, PSG et selfie. A suivre.