Dans la course

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« L’homme sage est celui qui connaît ses limites ». C’est Harry Callahan qui le dit dans le film Magnum Force. Jean-Marc Delorme, lui, n’en a que très peu, des limites. Pourtant, à première vue, il a l’air « sage ». D’aucuns le verraient même dans la peau du gendre idéal, souriant, plaisant, tiré à quatre épingles et qui carbure au jus de pastèque à une terrasse ensoleillée de la place du marché Saint Honoré, à Paris. Mais les apparences sont parfois trompeuses. Dans trois semaines, il troquera chemise blanche et veste sombre contre une panoplie d’aventurier. Non rien à voir avec Koh-Lanta. Lui, il s’attaque, pour la deuxième fois, à l’UTMB. Le quoi ? L’Ultra-Trail du Mont-Blanc. Une sorte de défi un peu fou qui réunit 2 300 hommes et femmes entraînés, préparés, équipés pour parcourir 170 bornes autour du Mont-Blanc en moins de… deux jours : époque formidable. « Et dire qu’au collège, j’étais nul en gym ! Quand mes copains jouaient au ballon prisonnier, j’étais le dernier que l’on choisissait dans une équipe », se souvient « Marco » -« on m’a toujours appelé comme ça »-. Il était la risée à la récré. Même ses taches de rousseur suscitaient les moqueries. Mais, à partir de la 2nde, tout a changé : physiquement transformé, il était aussi bon au volley qu’en course, surtout au 100 mètres. Résultat : il a eu 20 en gym à son bac D. La suite ? Un Deug de Droit à l’université de Saint-Maur, où il croise la route d’un coiffeur qui lui demande de défiler pour lui au Pavillon Baltard.  Pour 3 000 francs le week-end, le « beau gosse » dit « oui ». Vite repéré et séduit par cette façon inédite de gagner de l’argent, il se prend au jeu des castings. D’autres mannequins l’incitent même à faire partie d’une agence. Si bien que, du jour au lendemain, Marco passe des amphis aux podiums, abandonne le droit civil au profit des séances photo, passe de la cafet’ de la fac aux restos en vue à Paris, New York, Milan... « Ça a duré une douzaine d’années ». Jusqu’en 2004, où il a l’impression d’avoir fait le tour de ce métier qui, aux yeux de ses copains, n’en était pas vraiment un. « J’ai arrêté progressivement », dit-il, comme on stoppe avec la clope.

Pour lui, un marathon, c’est « une petite course »

Le sport l’inspire. Marco redevient Jean-Marc et repart sur les bancs de l’école pour décrocher, en trois ans, son brevet de prof de gym : « je suis passé de la vie de palace à celle du Creps (Centre de ressources, d'expertise et de performance sportives) ». Et ce, tout en se mettant au VTT. Une discipline qu’il ne conçoit qu’au rythme des compétitions : « j’ai du mal à faire du sport juste parce que c’est bon pour la santé ». En quête d’extrême, il veut des sensations. Fortes, de préférence. Comme celles que l’on peut avoir en pratiquant le vélo de descente, où le compteur affiche des pointes jusqu’à 80 km/h. Un choix qui va finir en chute et lui coûter cinq fractures à la main. « Le vélo, c’est fini », lui dit son médecin après l’accident. Sauf qu’on n’attache pas l’athlète à une chaise ! Il revend vélo, casque intégral et investit dans des baskets à crampons « pour courir en altitude, au milieu de la nature ». C’est là qu’il prend goût au trail. Pour lui, un marathon, c’est « une petite course ». Il s’y ennuie presque… En revanche, s’attaquer au Tor des géants, dans la vallée d’Aoste, ça le motive : en 2014, il a parcouru les 330 kilomètres de l’épreuve, assortis de 24 000 mètres de dénivelé, en 104 heures. « Dans mon frigo, j’ai un peu plus de protéines et de vitamines que les autres », reconnaît-il. Mais, chez lui, pas de médaille ni de trophée sur la cheminée. « A l’UTMB, chaque finisher gagne une polaire, que je ne mets jamais ». Car ce père de trois enfants ne se perçoit pas comme un héros, même quand il boucle le marathon des sables par des températures proches des 50 degrés. Il aime la course et la solitude qui lui est associée. Sans doute une façon de prendre du recul sur les choses de la vie, tout en avançant vers la ligne d’arrivée.

A lire : Trail running - Préparez vos défis !, de Sylvain Bazin et Jean-Marc Delorme (Amphora) / A voir : www.lentraineur-paris.com