Parfois le boulot, c’est en duo. Parce qu’on s’entend bien. On est sur la même longueur d’onde. Le courant passe. Comme le ton et le regard de la série de portraits menée par Truman Capote et Richard Avedon : une référence. Comme le style d’Azzedine Alaïa allié à l’œil de Peter Lindbergh : ils se sont rencontrés en 1979. Puis, il sont restés « collés l’un à l’autre » : « Je photographiais ses collections et j’ai d’innombrables portraits de lui », confiait Lindbergh. Une complicité montrée et racontée dans l’expo Azzedine Alaïa, Peter Lindbergh, à voir jusqu’au 2 janvier 2022 à la Fondation Azzedine Alaïa, à Paris.

Exposition Azzedine Alaïa & Peter Lindbergh By LMI © Stéphane Aït Ouarab

Carte blanche pour shooter des robes noires

D’emblée, on comprend qu’Alaïa avait toute confiance en Lindbergh. C’était « son » photographe. Il lui donnait carte blanche pour shooter ses robes noires. La scéno et les partis pris esthétiques de cette expo, réalisée sous la direction de Benjamin Lindbergh et Olivier Saillard, jouent d’ailleurs sur le noir et blanc des images, tel un écho aux créations du couturier. Photos et vêtements se parlent, se répondent. Un dialogue tout en sobriété dans les locaux de la Fondation, rue de la Verrerie, où Alaïa a vécu et travaillé. Ce qui ne fait qu’ajouter une émotion supplémentaire au parcours. Une balade qui invite à grimper jusqu’au premier étage, où sont accrochés des portraits de Tina Turner habillée, ras-le-bonbon, par Alaïa. C’était en 1989. Une autre époque. Idem pour le shooting réalisé en 1986 au Touquet, avec la top model allemande Tatjana Patitz. Un court métrage en révèle les coulisses : tout paraît simple, léger, joyeux, bon enfant. Alaïa est là. La pause déjeuner se résume à un sandwich, mangé d’une seule main par Lindbergh, qui tient son Nikon de l’autre, pour ne rien rater du backstage en plein vent, sur la plage déserte.

Exposition Azzedine Alaïa & Peter Lindbergh By LMI © Stéphane Aït Ouarab

« Nous n’avons pas besoin de nous parler… »

Esprit d’équipe et respect du travail de chacun : c’est le second degré de lecture de cette expo, au-delà de la mutualisation de deux talents. La séance au Touquet témoigne d’une grande liberté d’action. Lindbergh n’intellectualise rien. Il suit son instinct. Il est dans l’instant. Il sent. Il ressent. D’un geste, il guide les modèles, tout en privilégiant l’allure naturelle, intemporelle, pour ne pas compromettre la mise en valeur d’une robe ou d’un manteau, du volume de l’une ou du raffinement de l’autre. Alaïa se fait alors spectateur : « Avec Peter, nous nous connaissons très bien. Nous n’avons pas besoin de nous parler. Tout est fluide… » Les mots de la fin pour Lindbergh : « Pour moi toute photographie est un portrait ; vous photographiez une relation avec la personne qui est devant votre objectif ; il y a un échange, voilà ce qu’est l’image. »

Azzedine Alaïa, Peter Lindbergh : jusqu’au 2 janvier 2022 à la Fondation Azzedine Alaïa - 18 rue de la Verrerie, Paris 4e – Tél : 01 87 44 87 75

Azzedine Alaïa & Linda Spierings, Le Touquet, 1986 © Peter Lindbergh (courtesy Peter Lindbergh Foundation, Paris)