Mon café chez Charpak

« Je suis monsieur tout le monde ». C’est comme ça que Georges Charpak s’est présenté à moi en janvier 1997. Dans sa cuisine, le prix Nobel 1992 de physique m’a préparé un café. J’étais venue pour l’interviewer à propos de son livre « Feux follets et Champignons nucléaires », co-écrit avec Richard L. Garwin et dont les dessins étaient signés Sempé. « J’ai rencontré Sempé autour d’un verre de rouge chez des amis musiciens –époque formidable-, m’a raconté Charpak. J’ai alors tout de suite pensé à lui pour illustrer le livre. Je lui ai donné les épreuves, il a rigolé et, quelques jours plus tard, il m’a proposé ses dessins ». Le préféré de Charpak ? « Celui du chapitre intitulé « L’avenir est dangereux mais pas forcément sombre ». On voit un type qui attend le train et, au bout de la voie de chemin de fer, il y a un champignon nucléaire… ça, c’est Sempé ! »

Ancien élève du lycée Saint-Louis, à Paris, et de l’Ecole des mines, Charpak aimait le quartier Latin. D’ailleurs il y habitait : ses fenêtres donnaient sur le quai de la Tournelle. Notre entretien s’est terminé sur ses projets de vacances. Il s’apprêtait à partir à la montagne et il a eu ce commentaire : « faire du ski est plus dangereux que le nucléaire ».

Charpak est mort. Sans fanfare. Ni flonflon. Dans la discrétion. Juste une petite annonce dans Le Figaro. Un peu comme monsieur tout le monde.