Stress au travail : la pathologie la plus fréquente en entreprise

Le Dr Bernard Salengro n’a pas sa langue dans sa poche. Je le savais et j’ai eu envie de le rencontrer. Président du Syndicat des médecins du travail et secrétaire national de la CFE-CGC, il m’a offert un café dans les locaux de son syndicat : ambiance lumières blafardes + gobelet en plastique, mais les révélations valaient le détour. « Le stress au travail –dont le harcèlement moral est une situation particulière- est la pathologie aujourd’hui la plus fréquente dans les entreprises. Mais c’est aussi la plus niée par les employeurs », m’a-t-il expliqué.

Habitué des couloirs du ministère de la Santé, le Dr Salengro a déjà alerté Xavier Bertrand, puis Roselyne Bachelot : « avenue de Ségur, on est conscient du problème, confie le médecin, mais c’est un peu la patate chaude dont personne ne veut ». En mars 2008, Xavier Bertrand a pourtant lancé une enquête nationale sur le stress, « afin d’identifier les secteurs et les branches où le stress est supérieur à la moyenne ». « Mais depuis, plus rien », s’inquiète Bernard Salengro. Or, la situation continue de s’aggraver. Selon le dernier baromètre de l’Observatoire du stress, créé par de la CFE-CGC, 50% des arrêts de travail seraient liés au stress et 43% des salariés se disent tendus ou crispés à cause de leur travail. Plus grave : « des salariés se suicident chaque semaine en France, constate le médecin. Et ce aussi bien chez Renault qu’à La Poste, EDF ou encore dans le secteur de l’industrie pharmaceutique ».

Du côté des entreprises : silence radio. Le dossier est tabou. Relégué au fond des tiroirs des directeurs des ressources humaines, alors que la France occupe le troisième rang des pays où les dépressions liées au travail sont les plus nombreuses, selon l’OMS. « Aujourd’hui, ceux qui détiennent le savoir n’ont plus le pouvoir, constate le Dr Salengro. L’individualisme a pris le pas sur le travail d’équipe. Les salariés sont tous en concurrence entre eux et un sur trois le regrette ». En écoutant le médecin ainsi s’épancher, je dois l’avouer, je n’étais plus très sûre de vivre une époque si formidable.