Un ami architecte me 
dit à quel point il est déprimant de rénover un appartement sans avoir la moindre marge de manœuvre pour choisir un ton, un objet, un parquet, un lavabo... Parce que le client sait déjà tout. Il ne sollicite l’œil de l’expert que pour avoir un chef de chantier à dispo. Désolant pour l’archi. Valorisant pour celui qui signe le chèque. Et le scénario est le même chez le médecin, lorsqu’un patient réclame le même remède que celui préconisé la veille au journal de 20 heures. Et que dire encore de celui qui fait appel à une agence de pub ou de com’ sans lui laisser une once de créativité ? Résultat : tout est confiné, étriqué, uniformisé, périmé. On nage dans le convenu et le déjà vu. Tout se ressemble : les intérieurs, les vêtements, le contenu de nos assiettes, celui de la tasse à café ou de l’armoire à pharmacie, les restos, les bistrots, les barbus, les poussettes, les barbus qui poussent des poussettes… tout se fond et se confond dans nos grandes villes copiées-collées à l’infini. Prise de risque = zéro. Même pour choisir un interrupteur, un carrelage, un cachet d’aspirine ou un tube de dentifrice. Epoque formidablement aseptisée, qui rend Louis de Funès, le professeur Tournesol et Bibi Fricotin débordants d’audace.
©Hergé