Houellebecq se (dé)livre

« Je suis profondément heureux. » Tels ont été les propos de Michel Houellebecq, hier chez Drouant, lorsqu’il a reçu le Goncourt. Une consécration pour cet ingénieur agronome, que ses camarades de classe surnommait « Einstein ». Hier toujours, vers 22h30, la chaîne parlementaire a rediffusé un face à face entre l’écrivain et Jean-Pierre Elkabbach. Un grand moment de télé –il y en a encore quelques uns dans notre époque formidable-. Car l’intervieweur a réussi à faire sourire, puis rire Houellebecq le sulfureux, le provocateur, l’imposteur, l’incompris. Il se marre quand il évoque son chien. Il se marre encore à la question « en combien de langues êtes-vous traduit ? » Réponse : « plein ». Oui, c’est un brin suffisant, mais si Houellebecq ne se fout pas de l’argent, il ne l’étale pas. D’ailleurs Elkabbach s’amuse de voir que la garde-robe de l’écrivain s’étoffe au fil des années : « vous avez changé de chemise ». Nouveau sourire de Houellebecq, flatté. Et puis cette émotion sincère sur le visage de l’écrivain lorsque son interlocuteur évoque Tocqueville : là, c’est l’homme cultivé qui se révèle. Le Houellebecq qu’on écouterait jusqu’au bout de la nuit. Parler de Tocqueville, mais aussi de Lovecraft, dont il se sent proche. Ex-dépressif, ex-pensionnaire d’hôpitaux psy, l’écrivain revient de loin.  De très loin même, puisqu’il a bossé cinq ans au service informatique de l’Assemblée nationale. Un drôle de type avec un drôle de parcours. Mais, après tout, entre le Palais Bourbon et Drouant, il n’y a que la Seine à traverser.