LE SENS DU SUCRE« J’ai toujours été gourmand et je suis fan de chocolat ». C’est comme ça que Timothée Gensse se présente, tout en insistant sur le plaisir qu’il avait, enfant, à déguster « le roulé à la confiture de maman ». Aujourd’hui, à 27 ans, le chef pâtissier de l’hôtel Scribe, à Paris, a déjà un parcours qui donne le vertige. Retour dans le rétro : à peine sorti du lycée hôtelier d’Etiolles, dans l’Essonne, il se fait repérer. Par ses profs, d’abord. Ils l’encouragent à se dépasser, évoluer vite. C’est ce qu’il va faire. Son bac pro en poche et après six mois chez un traiteur, il frappe à la porte du chef Alain Senderens, alors place de la Madeleine. Il fait une journée d’essai. Il est embauché. Le rythme est soutenu, mais Gensse tient le choc. Il n’a que 20 ans et se confronte à un nouveau dessert trois fois par semaine. La bonne école. Un an plus tard, il débarque dans les cuisines des Bouquinistes, une table siglée Guy Savoy, face à la Seine. « J’étais seul en pâtisserie. Je pouvais créer, concevoir des cartes, avec un dessert différent à imaginer chaque jour ». Une dynamique qu’il résume à « une montée d’adrénaline à chaque coup de feu ». Un an plus tard, il répond à une petite annonce pour travailler au sein de la brigade du Club TP 90, sur les Champs-Elysées. Adresse select et clientèle d’affaires uniquement. Il est pris. Une fois de plus, il est le seul pâtissier. « Le chef du Club, Frédéric Le Guen, m’a beaucoup apporté, reconnaît-il. Il m’a appris à mettre en valeur les fruits de saison et adapter des techniques du salé au sucré ».

« J’ai refusé de travailler les fruits rouges en hiver »

En 2012, le Lutetia lui fait de l’œil. Il décroche le poste de chef pâtissier. Avec une douzaine de personnes à diriger, toutes âgées de 20 ans en moyenne, « alors que je n’en avais que 23 ». Le défi est de taille. Mais il dynamise son équipe en créant ses propres desserts, en remettant les mains dans la viennoiserie, les pâtes, la chantilly… Et ce, aussi bien pour la carte de la brasserie que pour celle de la table gastronomique, les banquets, le room service. A l’issue de l’été 2015, alors que le Lutetia a amorcé une vague de travaux titanesques, il est mis à disposition du Scribe. « C’est un petit Lutetia, dit-il. Je connais tout le monde. C’est comme un cocon familial ». Un climat de confiance dans lequel il a vite pris ses marques. « J’ai refusé de travailler les fruits rouges en hiver, mais plutôt la mangue, le kiwi, et l’on m’a écouté » : époque formidable. Quant à ses « classiques », ils sont déjà à la carte. A l’instar de sa tarte au chocolat et de celle aux deux citrons -vert et jaune-, surmontée d’une meringue « tout en volume ». « Je fais ce que j’aime manger », explique-t-il. Un savoir-faire qu’il transmet volontiers aux deux pâtissiers et à l’apprentie qui œuvrent à ses côtés. Et chez lui, est-il gourmand aussi ? Il sourit et évoque les crèmes brûlées et autres chouquettes qu’il concocte pour sa femme, sa fille, les amis. Au restaurant, en revanche, il se prive lui-même de dessert « si celui-ci n’est pas fait maison ». A suivre...