Il voyage en solitaire

Brafaud_invitation

Il fait partie des discrets. Des taiseux. Si on ne fait pas le premier pas, pas sûr qu’il prenne l’initiative. Il en reste encore des comme ça, dans notre époque si formidable. La première fois qu’on a discuté un peu, c’était pour parler de Paris. Sa ville. Sa vie aussi. Bruno Rafaud -« avec un d », précise-t-il- ne se projette jamais bien loin du triangle qui relie la butte Montmartre, le Moulin Rouge et la station de métro Notre-Dame-de-Lorette. Normal : il est né là, a grandi là, habite là. Et ce n’est pas une vague « bobo accro au bio » qui va le chasser de ses terres. J’ai croisé la route de Rafaud dans les bureaux du magazine Maison Française à la fin des années 2000. Planqué derrière son Mac, ce « premier maquettiste » ne faisait pas de bruit. Arrivait tôt. Partait tard. Un homme de l’ombre. Un solitaire. Jusque dans ses balades du samedi dans Paris, où il se risque à quitter Montmartre pour Saint Germain des prés, à pied. Flâneur, mais pas randonneur. Observateur, mais pas voyeur. Des qualités que l’on retrouve chez certains photographes. Ça tombe bien : « je fais un peu de photo », m’a-t-il confié un jour. « Un peu » en langage « Rafaud », ça veut dire beaucoup. Car j’ai le souvenir d’un nombre impressionnant d’images qu’il m’avait alors montrées. Des portraits d’enfants, des vues de villes -Lisbonne, Venise, Paris…-, du noir et blanc. Un travail personnel. Un regard singulier. Tout ça bien à l’abri. Préservé. Gardé comme un trésor. Jusqu’au moment, où il a eu envie de montrer, partager, échanger. Restait à trouver la galerie pour accrocher, exposer, s’exposer aussi… un peu. Pas si simple. Une a regardé les photos, mais s’est défilée. Une autre ne l’a pas laissé filer. « Je ne suis pas photographe », se défend Rafaud. Pas d’accord. Le p’tit gars des Abbesses, qui autrefois a dû grimper jusqu’au Sacré Cœur avec des cousins d’Antoine Doinel, a du talent. Un œil. Une sensibilité. Ses « images », comme il dit, sont touchantes. Donc, c’est gagné. Elles sont à voir jusqu’au 7 mars à la Galerie du Colombier. Une adresse qui lui ressemble : discrète, cachée, dans un passage -secret ?- de la rive droite.

Expo « De rue en rue » à la Galerie du Colombier Espace II, Village Saint Honoré, 91 rue Saint Honoré, 75001 Paris. Jusqu’au 7 mars, de 14h à 19h.