Grand écart

On ne sait plus ce qu’est une véritable urgence. A force d’user et abuser de son smartphone, on confond envie avec survie. Hier, scotchée à son iPhone, la femme d’un célèbre financier a enchaîné les coups de fil. L’heure était « grave », selon elle. « Notre bastide dans le Midi est pleine à craquer et ma cuisinière a jeté l’éponge. Elle est partie. Sans préavis. Je vais devoir trouver quelqu’un pour la remplacer avant le week-end, car j’attends la venue d’une vingtaine d’amis ». Panique en cuisine. Recherche chef désespérément. C’était son urgence d’hier. La seule perspective de couper elle-même des tomates en rondelles l’effrayait. Quant à celle de payer un chef à domicile, en extra, quelque 350 euros par jour, elle hésitait encore « un peu ». Epoque formidable ? Au même moment, la radio annonçait la démission de Xavier Emmanuelli de la présidence du Samu social, qu’il a créé en 1993, à cause de « drastiques restrictions budgétaires ». D’un monde à l’autre. Le grand écart. Les très riches et les très pauvres. Ceux qui se noient dans un crachat et ceux qui (sur)vivent au milieu des crachats.