Adieu l’entre-deux

Paris n’a plus de juste milieu. Fini l’entre-deux. D’un côté les très riches, de l’autre les plus pauvres. Un trottoir pour les restaurants étoilés, un autre pour les fast-foods. Pas d’intermédiaire entre le sac Hermès et le sac à dos. Pas plus entre les escarpins Louboutin et la paire de tennis ou de tongs en plastique… Pour en être convaincu, il suffit de prendre les transports en commun, de se fondre dans la foule d’un grand magasin, de se perdre au milieu des touristes qui arpentent l’avenue de l’Opéra ou la rue de Rivoli. Tout aussi déconcertant, à la terrasse du Rostand, rue de Médicis : un ado en train de jeter par terre le papier gras qui habillait son sandwich, pendant qu’une étudiante, scotchée à son iPhone, demandait à une copine le nom d’une boutique où elle pouvait s’acheter des « baskets en caoutchouc naturel ». J’ai failli lui recommander la lecture du guide Paris Nature, de Lisa Garnier et Nassera Zaid (Lonely Planet), qui vient de sortir en librairie. Ce bouquin donne les bons plans pour manger bio dans la capitale, boire de l’eau gazeuse à volonté et gratuitement, trouver un maître composteur ou un glacier qui n’utilise ni arômes artificiels ni colorants… Des « trucs et astuces » censés changer la vie des citadins. Mais n’est-ce pas plutôt d’un « guide de survie » dont on a besoin dans une capitale où la RATP est obligée d’édicter des règles de bonne conduite dans le métro et le bus ? Quant à la mairie du 7ème arrondissement, elle vient d’éditer une série de leçons de politesse à l’usage des jeunes en quête de petits boulots d’été dans l’arrondissement de Rachida Dati. Le prospectus rappelle notamment que « la courtoisie est la clé de la relation avec l’autre ». Autre recommandation pour un « bon entretien » : mieux vaut être « concis, clair, courtois et concret ». Epoque formidablement paradoxale : aujourd’hui, à Paris, on se met en quatre pour recycler ses déchets, manger sain ou participer au jardin communautaire le plus proche de chez soi, mais on ne sait plus dire « bonjour », « s’il vous plait » ou « merci » -sauf peut-être pour évoquer la boutique du boulevard Beaumarchais-.