« Quand je bossais dans la pub, j’étais un fou furieux. J’ai même dissuadé des clients de travailler avec moi. » Dérangé ? Déjanté ? Non, juste différent. Hervé Lopez, alias Lord of Barbès, donne le ton d’emblée. Autrefois pubard, aujourd’hui vendeur de gin, pas pour lui les voies royales, il préfère les chemins de traverse. Et ce dès le CP, où il ne voulait « rien faire ». Pas simple quand on est le fils du directeur de l’école et qu’on habite au-dessus des salles de classe. Nul en maths et en grammaire, Lopez était bon « en éco, dessin et travail manuel ». Résultat : « J’ai fait l’affreux bac G. » Il se voyait banquier, mais son meilleur copain rêvait de devenir publicitaire. Il le suit alors jusqu’à Paris. « Du jour au lendemain, je suis passé de Neuilly-les-Dijon à Neuilly-sur-Seine, où j’allais en cours à l’Ecole des Cadres. » Si ses parents l’avaient mis en garde contre les pickpockets de la capitale, ce qui a le plus marqué le jeune Lopez en quittant la Côte d’Or, « c’est ma chambre de bonne de 5 m2 au 8e étage sans ascenseur ». C’est peut-être l’envie de s’échapper de cette « cellule de prison », le besoin d’air ou les deux, qui l’incitent, à la fin des années 1980, à demander un stage au sein de Création magazine. « Benoit Delépine en était le rédac chef et, à l’époque, nous étions un peu les punks du journalisme. »

McDo Beaugrenellle, Mister Hyde et Lord of Barbès

Ce premier pied dans la presse qui parle de pub le propulse dans l’équipe de Christian Blachas, alors patron du magazine Communication et Business. « C’est là que j’ai écrit mes premiers articles. » Il apprend sur le tas, multiplie les rencontres, remplit son carnet d’adresses. De fil en aiguille, il quitte la presse pour la pub : après un stage chez Saatchi & Saatchi « grâce à Benoît Devarrieux », il intègre l’agence BDDP qu’il compare à la grande école de commerce qu’il n’a pas faite. Il va y rester dix ans, en travaillant notamment pour McDo. « La dernière réunion d’anciens de BDDP s’est d’ailleurs faite au McDo Beaugrenellle… » Puis, il va racheter un ciné, le revendre à 1 euro symbolique, se passionner pour le court métrage, le film d’animation, jusqu’à créer sa propre boîte de production, qu’il baptise Mister Hyde, devenue aujourd’hui Lord of Barbès. Lord, pour mieux se cacher derrière la crème de la crème… anglaise. Quant à Barbès, c’est le quartier où il vit et travaille. Un travail avec « priorité à la création ». Résultat : il produit des films et du… gin. « Parce que j’en consomme depuis longtemps. Et parce qu’à force de bosser pour des marques, j’ai eu envie de créer la mienne. »

Eau de source, Bercloux et pape du vapo

Associé à trois complices, il parle de « logique associative », mais aussi de mise de fonds perso « dès qu’il faut fabriquer le moule d’une bouteille ». Quant aux signes particuliers du gin Lord of Barbès : il est artisanal, bio et « made in France ». Il mêle alcool de blé, baies de genièvre, pain de singe et eau de source du square de la Madone, à Paris. Le tout est distillé à Bercloux, en Charente-Maritime. Distribué depuis un an dans des bars en vue, des hôtels en vogue et chez des cavistes indépendants, le gin du « Lord » s’est déjà écoulé à 3 000 bouteilles. Sauf que le seuil de rentabilité est fixé à 20 000. Alors le breuvage est sur le point de s’exporter en Italie, Bosnie, Asie… et il se décline désormais en parfum, « dans un flacon signé Marcel Franck, le pape du vapo ». « Le gin, c’est plein de vertus », confie Lopez qui ne boit que du Lord of Barbès. Quand on lui demande ce qu’il fait dans la vie, il répond : « Je suis directeur artistique. » C’est flou, mais au moins pas de confusion possible entre vendeur de gin et de… jeans, « ce qui arrive souvent, surtout à Barbès ».