Robes de reines

C’est sûrement l’une des rencontres parmi les plus singulières de cet été : celle avec Lamyne M. La première fois, c’était chez lui, à Saint-Denis. Dans sa cuisine, où un chat sphynx s’est invité, puis dans l’atelier qu’il s’est aménagé au fond de son jardin. Car Lamyne M est artiste, styliste, designer textile… difficile de mettre une étiquette sur cet autodidacte, né au Cameroun en 1977. C’est à l’orée des années 2000 qu’il s’initie à la couture chez un ami : il a regardé faire « celui qui sait »... Puis il démarre en solo en customisant ses vêtements. L’idée de recycler, pour former et transformer, lui plaît. Dans le même temps, il s’intéresse à la basilique de Saint-Denis, en face de laquelle il a l’habitude de prendre son café. Une basilique devenue cathédrale en 1966, également dernière demeure des rois et reines de France : l’édifice abrite les sépultures de 43 rois, 32 reines et 10 serviteurs de la monarchie. « Il n’y a pas que du foot et du rap en Seine-Saint-Denis », rappelle Lamyne M.

« Un rendez-vous entre les morts et les vivants »

De cet engouement pour les gisants est née une série de robes aux mensurations exactes de celles des reines disparues. Des robes de trois mètres de hauteur, conçues avec des tissus traditionnels venus d’Afrique, du Moyen-Orient ou issus des voyages de Lamyne M et autres trésors cachés dans son atelier dionysien. Le wax côtoie ainsi un patchwork de pièces en jeans, une matière dont on fait des joggings ou autre duo d’hermines. Des compositions et recompositions que l’artiste camerounais perçoit telle « une occasion d’aborder la question de la femme dans la société actuelle ». Il parle aussi de « rendez-vous entre les morts et les vivants ». Les vivants étant une pléiade d’artisans locaux impliqués dans la confection des robes, auxquels se sont ajoutés les élèves de la section mode du lycée d’Alembert à Aubervilliers, ceux du lycée La Source à Nogent-sur-Marne ou encore ceux du lycée Bartholdi de Saint-Denis. Le tout mené avec la complicité de l’association Franciade. Un travail de groupe, où partage et échange ont trouvé leur signification.

Marie d’Anjou rhabillée pour l’été

Après avoir été exposées notamment à la basilique de Saint-Denis, 8 des 32 créations supervisées par Lamyne M ont investi la Cité de la mode & du design, dans le cadre du festival participatif #Ensemble !. Installées face à la Seine, dans une immense salle parée de vitraux aux motifs inspirés par le wax, ces robes sont celles de Marguerite de Flandres, Jeanne de France, Isabelle d’Aragon ou encore Marie d’Anjou, « une reine oubliée » selon Lamyne M, « car effacée en son temps par la beauté d’Agnès Sorel ». Résultat : il l’a rhabillée - pour l’été - comme pour la réhabiliter, avec la robe la plus colorée de sa série.

Les grandes robes sont à voir jusqu’au 27 août à la Cité de la mode & du design, à Paris, dans le cadre du festival #Ensemble !, dont 1 Epok est partenaire.