simon-1-cropAdo, il découvre les décors de cinéma. Par un oncle qui en créait. Simon de Dreuille est fasciné. Il souhaite en faire son métier. Une fois son bac - littéraire, option maths - en poche, il veut intégrer l’Ecole Boulle et sa classe de mise à niveau en arts appliqués. Il passe le concours d’entrée. Sur les 2 000 jeunes en lice, il arrive 29ème. Sauf que l’école n’en prend pas plus de… 24 : « J’aurais dû y aller quand même, le jour de la rentrée. On ne m’aurait pas viré. » Faute d’intégrer Boulle, il s’inscrit en archi, à Clermont-Ferrand, la ville de Ma nuit chez Maud... Car il a grandi dans l’Allier, « près de Moulins ». La forêt de Tronçais, c’était son jardin.

Rohmer, Erasmus et nuits courtes

L’architecture le passionne. Vite. « J’ai tout de suite aimé ça. » Il voit même son échec à l’entrée de Boulle comme une aubaine. « J’ai toujours eu le sentiment d’être animé par la chance, le hasard. » On reste chez Rohmer… « Surtout qu’à l’époque, l’école d’archi de Clermont était en pleine effervescence. C’était bouillonnant. On voyageait beaucoup. » Or, il aime partir. L’ailleurs l’attire. Il vit un an à Budapest « en Erasmus », enchaîne les stages à Paris et Dijon. L’urbain l’inspire. Si bien qu’il va passer dix ans dans l’agence AUC, où il ne va pas « beaucoup dormir » et plancher sur des problématiques liées à la ville, au territoire, aux relations entre cité et nature, béton et verdure. Il bosse encore pour AUC et donne des cours à l’école d’archi de Paris Malaquais, lorsque l’un de ses projets est sélectionné pour faire l’objet d’une résidence d’un an à la Villa Médicis, à Rome. C’était en 2013. Il avait 33 ans.

Planter sans… se planter

« Tout ce que l’on peut faire dans le cadre de cette résidence est assez séminal », dit-il avec le recul. Autrement dit : on plante, on regarde pousser, avant de récolter bien plus tard. Et son projet justement s’intitulait Piante i piante : « Je travaillais à l’établissement d’une carte de Rome, focalisée sur la présence des plantes et les indices du climat. » Une façon de parler de la ville à partir de la manière dont on l'habite, on s’y loge, on y travaille, on s’y déplace, tout en créant un parallèle avec la place des plantes et l’alignement des arbres dans les avenues.

Plan B, fleurs et blog

En 2014, le retour à Paris est rude. « L’atterrissage est brutal », reconnaît Simon de Dreuille. Même si, à l’époque, il gravite encore au sein d’AUC, il veut en partir, en sortir, prendre l’air… changer de crémerie. A l’instar d’une autre archi de l’agence, Elena Seegers, qui projette de devenir fleuriste à Manhattan. L’appel de la verdure… « J’étais jaloux de son plan B pour se reconvertir, changer de vie ». Si bien qu’il l’accompagne dans son aventure en créant le blog lefleuristeinternational.com . Un terrain de jeu pour elle, pour lui et les photographes Antoine Espinasseau, puis Assaf Shoshan rencontré à la Villa Médicis.

Variations sur le commun, photos et expo

Aujourd’hui, Elena Seegers vend bel et bien des fleurs à New York. Simon de Dreuille, lui, s’interroge. Sur ce qu’il appelle « le commun ». « La sphère du commun, explique-t-il, c’est là qu’on invente des espaces pour faire des choses ensemble, tout en prenant en compte le rapport de force avec la nature. » Une sphère en plus à la sphère publique « qui s’essouffle » et à la sphère privée « dans laquelle on se replie ». Cette réflexion vise à alimenter des cours, conférences, études et même des constructions. En marge de ce travail prospectif, le duo Shoshan-de Dreuille reste soudé : l’œil du photographe et le savoir de l’archi ont donné vie à une série d’images baptisée Melancholia. « La nature y est une règle du jeu qui sait produire des passages, des frontières, de la beauté, de l’inquiétude, du confort ou des gouffres », soulignent les complices. Une approche qui a séduit Hermès International, partenaire des tirages produits en 2015 et exposés jusqu’au 18 décembre dans le Salon de Musique de la Villa Médicis.